À l’occasion du Samedi saint, le 9 avril dernier, deux communautés seront réunies pour le temps d’un culte : l’Assemblée quaker de Nantes et l’Église protestante unie de Loire-Atlantique. Des quakers célébrant Pâques ? Sophie, membre de notre assemblée, nous explique.
Cela fait maintenant presque deux ans que notre assemblée tient ses cultes dans les murs de l’Église protestante unie de Loire-Atlantique (Épula), à Nantes. Petit à petit, des liens se tissent entre nos deux communautés. Il y a d’abord eu, presque immédiatement après notre arrivée à la rentrée 2021, un culte fraternel avec les autres églises accueillies au temple, des communautés congolaise, coréenne et malgache. Puis à l’automne 2022, la journée de réflexion sur la (non-)violence que nous avons proposée en partenariat avec l’ACAT, et pour laquelle l’Épula nous a généreusement accueillis et soutenus – certains membres de la paroisse en ont d’ailleurs été des chevilles ouvrières ! Cette semaine, enfin, nous avons partagé un culte à la manière quaker avec une vingtaine de paroissiens de l’Épula à l’occasion du Samedi saint, jour de « grand silence » dans la tradition chrétienne – « Depuis ce matin, Jésus repose dans la tombe : “Tout est fini”, se sont dit les disciples. Dieu s’est tu. »
Des quakers célébrant Pâques ?
Cette invitation à célébrer avec nos ami·es réformé·es a été l’occasion pour notre assemblée d’une intéressante discussion sur le rapport que nous entretenons en tant que quakers à la tradition chrétienne en général et à ses fêtes – dont Pâques – en particulier. Participer aux célébrations de la Semaine sainte n’a en effet rien d’évident pour nous. Car bien que chaque Ami·e soit tout à fait libre, à titre individuel, de célébrer les fêtes chrétiennes (tout comme celles des autres traditions religieuses !), les quakers en tant que communauté s’abstiennent en général de le faire, car ils considèrent chaque journée comme également sacrée. À cela s’ajoute la difficulté que nombre d’Ami·es dans nos assemblées – à Nantes mais aussi ailleurs en France et dans le monde – ne se considèrent pas (ou plus) nécessairement comme chrétiens : car bien que le mouvement quaker soit de fait issu de la Réforme, son dépouillement doctrinal autorise ses membres à entretenir un rapport très libre aux propositions des différentes traditions religieuses, la leur y compris. Risquions-nous, donc, de froisser ceux d’entre nous qui se sentent le plus éloignés de celle-ci ?
Deux réflexions nous ont finalement conduits à nous lancer en pleine confiance dans ce projet. Il nous est tout d’abord apparu que celui-ci nous donnait l’occasion de vivre pleinement notre témoignage d’ouverture à l’inspiration : « Tout en restant fidèle aux intuitions quaker, essaie d’entrer avec imagination dans la vie et le témoignage des autres communautés religieuses, créant ensemble des liens d’amitié », nous exhortent en effet nos Conseils et questions (merci à notre Ami Michael pour ce rappel !). Plus profondément, ce projet nous donnait également l’occasion de réfléchir à la signification que pouvait receler, pour nous quakers, l’histoire de la Semaine sainte et de Pâques: et qu’est-ce que l’expérience du Christ ressuscité, sinon l’expérience transformatrice du Divin à laquelle à laquelle chacun de nos cultes nous invite à nous ouvrir, quel que soit le jour de l’année ?
Le Silence jailli de la profondeur, la Profondeur jaillie du silence
C’est ainsi que, le soir du Samedi saint, une vingtaine de paroissiens de l’Épula et d’Ami·es de notre assemblée se sont rassemblés dans la grande salle du temple, dont les bancs avaient été pour l’occasion disposés en demi-cercle. Après une brève introduction, le silence s’est installé – c’était, pour beaucoup dans l’assemblée, la première fois qu’ils expérimentaient ce silence collectif si singulier qui forme la trame du culte quaker.
Rafaële, pasteure de l’Épula à l’initiative de cette soirée, avait proposé de l’intituler « Laissons le Silence jaillir de la profondeur ». Mais n’aurait-elle pas pu aussi bien s’intituler « Laissons la Profondeur jaillir du silence » ? En ce qui me concerne, en tout cas, cette dernière injonction décrit de manière frappante ce qu’est – ou devrait-être ! – l’expérience du culte quaker : celle de l’attente confiante d’un Dieu conçu non pas comme « là-haut » mais « au-dedans », dans les profondeurs de l’expérience humaine, de soi-même et de sa relation à l’autre.
Joie et reconnaissance, donc, à nos ami·es de l’Épula pour ce beau moment de fraternité œcuménique !
Sophie est membre de l’Assemblée locale de Nantes